Givaudan / Pauline Martin
mars 2021
La cosmétique en temps de crise
Interview de Pauline Martin,
Operational Marketing & Communication Manager chez Givaudan
Qu’est ce que la crise a changé dans votre façon de communiquer ?
Chez Givaudan, nous organisons 90 événements par an en temps normal, dont une trentaine de salons et une soixantaine de séminaires clients et distributeurs.
Nous avons besoin de ces événements pour présenter nos nouveaux catalogues produits, nos concepts marketing, etc. Tout se joue pendant ces événements parce que dans le domaine de la cosmétique il faut sentir, toucher… Mais du jour au lendemain, tout s’est arrêté. Cela fait 6 ans que je suis chez Givaudan, c’est une société dans laquelle on fait beaucoup d’événementiel, je passais ma vie entre 4 avions et 3 pays, j’avais des contacts enrichissants, je découvrais des cultures différentes… Beaucoup d’idées naissent en visitant les pays dans lesquels vivent nos clients, c’est forcément une source d’inspiration.
Malgré tout, l’an dernier lorsque tout cela a commencé, il a fallu prendre un virage 100% digital très rapidement. Nous avons publié beaucoup plus d’articles, envoyé davantage de newsletters, sollicité nos partenaires médias dans la presse spécialisée pour garder le contact avec nos clients… Pour donner un ordre d’idée, nous avons augmenté de +270% le nombre de posts sur les réseaux sociaux.
En parallèle, pour pallier la disparition des events, nous avons mis en place en 3 semaines une «e-academy » pour proposer des webinars à nos clients et prospects. Cette façon de communiquer était déjà amorcée chez nous, mais la crise a largement accéléré les choses.
L’avantage de cela, c’est que nous ne sommes plus dépendants des dates imposées pour les événements. Notre calendrier de webinar est calqué sur celui des dates de sortie de nos produits.
En plus de cela, nous avons aussi participé aux conférences en ligne mises en place par les organisateurs des salons annulés. Nous avons « envoyé » nos représentants pour maintenir le lien avec les organisateurs des salons et maximiser autant que possible notre présence auprès des prospects.
Lorsque les events auront repris à l’international, nous conserverons notre façon de fonctionner actuelle, au moins sur 2021. Car on s’en doute, les marques ne vont plus envoyer – comme c’était le cas avant – beaucoup de personnes sur les salons, pour des raisons sanitaires évidentes.
Récemment, nous avons participé au PCHI (Personnal Car & Homecare Ingredients). Naturellement, il y avait des jauges à respecter. Il y avait donc beaucoup moins de flux dans le salon. Dans ce contexte, l’enjeu est de conserver le même reach qu’auparavant, avec 2 à 3 fois moins de personnes présentes. Nous sommes donc obligés de conserver notre façon de communiquer en digital.
« Obligés ». Vous percevez le digital comme une contrainte forte ?
Notre métier c’est de proposer des expériences sensorielles dans le domaine de la cosmétique. Donc si nous ne pouvons pas faire tester les produits, l’impact est forcément différent. C’est comme lorsque les magasins de beauté ont rouvert leurs portes et que tout était sous blister, les gens n’avaient plus grand intérêt à aller en magasin.
En ce moment, il ne nous reste que le digital pour communiquer, donc nous sommes un peu coincés. Mais sur certains webinars en comité plus restreint, nous envisageons d’envoyer des kits d’échantillons avant le jour J. Grâce à cela, pendant la présentation ils pourront sentir les produits, les appliquer et nous collecterons leurs feedbacks en direct.
Si les gens ne peuvent plus venir à nous, il va falloir que l’on arrive à venir à eux.
La relation avec vos clients a-t-elle changé pendant cette période ?
Cela dépend des marques. Certaines ont été directement touchées par la crise, essuyant des pertes sévères, notamment dans le travel retail qui s’est effondré dès le mois de février 2020. Ce n’était évidemment pas leur priorité de se tenir informé des dernières nouveautés.
D’autres au contraire nous ont davantage sollicité car elles ont profité de cette période pour s’attaquer à des sujets de fond, pour revoir leur développement, prioriser différemment les projets en cours, travailler davantage sur du prospectif, sur de l’analyse de tendance…
Et puis avec le temps, nous nous sommes aussi rendu compte des limites du digital en terme de relation client. Au bout d’un moment, nos commerciaux ne savaient plus quelle attitude adopter avec nos clients. Contact physique impossible, saturation des visios, des webinars… Il ne fallait pas être trop pushy. On apprenait au fil de l’eau quel était le niveau de sollicitation que nos clients pouvaient supporter.
Dans ce contexte, le relationnel avec Keops a été majeur l’année dernière. Nous avons réussi à travailler ensemble, essayé d’anticiper les problèmes, nous échangions des infos sur les salons… J’ai senti une vraie solidarité entre le client et le partenaire. L’an dernier, c’était notre première année de collaboration et… Aucun des salons que nous avions prévus ensemble n’a eu lieu ! Malgré (et grâce à) cela, nous avons renforcé nos liens car il a fallu trouver des solutions ensemble. Keops a été très présent et ça compte beaucoup dans cette période stressante où tout ce que l’on fait peut être remis en cause sans prévenir. D’autant que l’événementiel est, de base, un milieu stressant !
Quelle est finalement votre vision de la rencontre avec le client en 2021 ?
Comment imaginez-vous vos retrouvailles avec eux ?
Le PCHI (Personnal Care and Homecare Ingrédients) en Chine, nous a permis de nous remettre en contact avec le terrain et c’était l’occasion de voir comment s’adapter à ce nouveau contexte… Il a fallu revoir notre façon de proposer les échantillons par exemple, en passant à des monodoses, ce genre de choses. On se doute que les “retrouvailles” ne seront pas comme avant, en revanche on va tout faire pour maximiser l’expérience de nos clients et leur proposer des choses variées. Disons que cette crise est une occasion de se renouveler et d’être créatifs pour continuer à faire des événements des moments exceptionnels •